Je ne résiste pas à remettre le texte qu'il avait fait il y a une dizaine d'années 🙂
"Le livre consacré au S.C.T. débute à partir de 1945, date à laquelle le club accède aux statuts professionnels. Il n’est fait aucune mention de l’équipe qui a permis cette accession. Pourtant c’est une aventure peu commune, voire insolite qui a marqué la saison 43-44. J’étais alors capitaine de l’équipe junior qui au stade Amiral Jauréguiberry devait jouer en ouverture du grand match contre Hyères dont l’équipe était composée de noms prestigieux tels que Gueirard, Gaby Robert, Forté, De Maria, Lallemment, Neubert… Cette formation était considérée comme la plus performante de notre groupe.
Carle Roviglione, joueur et entraîneur de l’équipe fanion, est venu dans les vestiaires des jeunes pour me dire qu’en raison de l’indisponibilité d’un joueur, Carbonne, je serais peut-être incorporé à l’équipe première. Ce qui fut le cas. Le système de jeu à cette époque était le W.M. Les arrières, le demi-centre marquaient les ailiers et l’avant-centre, les demi-ailes marquaient les inters. Pour mon premier match, je devais marquer Gaby Robert qui était de loin le meilleur des joueurs adverses. J’avais seize ans et demi et j’étais complètement paniqué. Le stade était particulièrement garni pour assister à ce « derby ». Néanmoins le test fut concluant, à tel point que le Sporting a battu Hyères sur le score de deux buts à un et que j’ai conservé mon poste jusqu’à la fin de la saison.
Mais cette saison a été particulièrement difficile. En effet l’armée allemande occupait la France et les trains de l’armée étaient prioritaires. Les horaires des autres trains étaient chamboulés. Les parcours étaient très souvent arrêtés pour laisser la voie aux trains de munitions. Pour rejoindre Avignon, nous avons dû partir à neuf heures du matin pour arriver à seize heures. Sept heures dans des wagons aux banquettes en bois. A ce moment-là, c’était encore la « troisième » classe qui nous était réservée.
Le lendemain, à quinze heures, nous nous sommes présentés au stade. Les Allemands jouaient et il a fallu attendre qu’ils finissent. Le terrain était enneigé, le mistral soufflait très fort et nous avons fini à la nuit. A cette époque les terrains n’étaient pas éclairés, les vestiaires n’avaient pas d’eau chaude. Nous avons enfilé nos vêtements par-dessus nos équipements et nous avons regagné l’hôtel chaussés de souliers à crampons. Inutile de préciser que les chambres n’étaient pas chauffées. Et c’est le lundi à huit heures que nous avons pu prendre un train qui nous a ramenés à Toulon à quatorze heures. J’ai dû produire un mot d’excuses au surveillant général pour avoir séché les cours.
Les avions de la Royal Air Force étaient spécialisés pour les attaques en piqué. C’est ainsi qu’ils ont bombardé à plusieurs reprises le pont d’Anthéor. Ils n’ont pas réussi à détruire la voie, mais ont déstabilisé les arches du pont qui est devenu inutilisable. De la sorte que pour tous les matchs qui se disputaient à Nice, Monaco, Antibes ou Menton, le train nous arrêtait à l’entrée du pont. Nous marchions jusqu’au bout du pont et là, un autre train nous attendait pour poursuivre notre trajet. Il arrivait souvent, compte tenu des chamboulements d’horaires, de traverser de nuit sans lumière dans les pierres de ballast. On se donnait la main pour ne pas culbuter.
L’équipe était composée des joueurs suivants : PETTANARO, TORTORELLO Emile, ZININO, MARCAILLOU, GUARNIERI, DE VITTORI, GOURDON, ROVIGLIONE, TORTORELLO Gaby, GARIN, CLINCHARD. J’en suis le seul survivant.
J’avais donné mon accord à la demande de Carle pour continuer l’aventure la saison suivante, mais la libération de Toulon est intervenue et je me suis engagé dans l’armée de Delattre de Tassigny. Ce fut une autre épopée jusqu’à l’armistice. Voilà, il m’a paru intéressant que les supporters connaissent les difficultueuses péripéties de l’équipe qui a permis au SCT de jouer chez les pros."
Jo Devittori.